Thursday, December 17, 2009

Tout c'qui nous précède, on s'en christe...

Il y a quelques semaines, j'ai contacté un mec qui, selon ce qu'on m'avait annoncé chez Pissines Trévial, connaissait ça lui, les spas. Ça tombe mauditement bien, le nôtre fait défaut. Vraiment rien d'affolant : c'est juste la pompe qui n'arrête plus de fonctionner. Conséquence : on consomme un peu trop d'électricité pour rien (énergie verte certes, mais énergie quand même!), on use la pompe 17,4 fois prématurément et l'eau chauffe constamment, puisqu'elle ne cesse d'être agitée par la pompe hyperactive.

Alors voilà, je contacte ce présumé expert du spa — que je nommerai ici avec grand plaisir pour des raisons que vous comprendrez bientôt : mon ami Kevin. Soyez donc avertis de vous tenir à au moins 3 MRC de distance de tout présumé réparateur de spa nommé Kevin. Au téléphone, je lui explique le problème — la pompe, a n'arrête pas — et prends la peine de lui expliquer que notre spa est du genre « vintage »; un modèle 1997 que ma copine a trouvé usagé sur lespac.com (en excellente condition, je dois dire). Un modèle sans ordinateur de bord, sans circuit imprimé : juste de l'électromécanique que j'arrive moi-même à comprendre sommairement, merci à mes profs de physique du secondaire et du cégep. « Pas de problème, me lance un Kevin confiant, je passe voir ça ce vendredi. »

Arrivé devant ledit spa, ledit Kevin m'a donné un de ces shows. Regarde le panneau de contrôle, gratte la tête, feint de tester quelques circuits avec son multimère de luxe, regratte la tête, reteste, regratte - pendant que moi, je regrette de l'avoir fait venir.
90 dollars plus tard (45 $ pour le déplacement + 45 $/h, une heure minimum), je ne fais dire que Kevin, roi du spa, devra consulter un collègue pour comprendre. « C'est un vieux spa sans électronique : c'est tellement simple que je ne comprends pas comment ça marche, ni où peut être le problème. »

Trop simple? Ciboire! À l'université du spa, ils n'enseignent pas la base, faut croire. On vous enseigne à trouver le circuit imprimé, dire au client que c'est ça qui fait défaut et que 400 dollars plus tard (300 $ pour la pièce, 100 $ d'installation) tout rentrera dans l'ordre.
En fait, ce qui me fascine, c'est de voir à quel point on n'enseigne plus la base, d'où viennent les choses. Ce qui existe maintenant, c'est super. Ce qui s'en vient, ce sera mirobolant. Mais tout ce qui nous précède, c'est vieux, c'est d'la merde et on s'en christe. Les artistes de musique électro ingorent souvent qui est Kraftwerk. Les entrepreneurs sont souvent mystifiés quand il croisent des charpentes faites de matériaux autres que du 2 x 4 et du gypse (essayez de trouver un tireur de joint pour réparer votre mur en plâtre sur lattes de bois, pour voir). Les monteurs vidéos utilisent des « bins » (« chutiers », en français) et ignorent que cette métaphore informatique provient de l'époque du montage cinéma à la lame de rasoir. Et évidemment, on entreposent nos aïeux dans des cages à séniles. Travaillent pu, sont vieux, bons à rien! Comme ma scie ronde que j'ai dû réparer moi-même, parce qu'aucun technicien ne toruvait que ça vallait la peine de la rescaper.

Étant du type manuel, qui aime réparer les choses, mais surtout les conserver dans leur état d'origine, il me fait grand plaisir de rencontrer - en moyenne un par an - des fournisseurs, des artisans qui connaissent les racines de leur art. Ce détaillant de pièces de portes et fenêtres, sur la rue Beaubien, qui s'est donné toute la misère du monde pour me trouver une penne et une clé afin de restaurer mes vielles poignées de portes métalliques circa 1930. Ce plâtrier, le père d'une amie à moi, pour qui réparer un mur est une véritable joie et qui fait encore des moulures en plâtre (aux poubelles, le MDF!).
Est-ce vraiment nécessaire et indispensable de connaître tout des origines de son art? Non. Est-ce qu'un artisan accompli, qui pratique son métier en gardant en tête l'expérience et les méthodes de ces prédécesseurs, est plus enclin d'exceller dans son travail? Oui. Est-ce qu'il m'impressionne et m'inspire confiance? Oui. Est-ce que Kevin m'impressionne? Pantoute!

Peu importe notre travail, notre domaine ou notre passion, prenons le temps de fouiner un peu, de comprendre cossé-vient-d'où-de-pourquoi-kissé-comment. Notre travail n'en sera que d'une plus grande Qualité (à cet effet, le livre « Zen and the Art of Motorcycle Maintenance », de Robert M. Pirsig, dont je vous entretiendrai ultérieurement). Les Grecs regardaient droit vers le passé afin de comprendre le présent. Le futur, ils s'en foutaient un peu. À bas la culture Apple du prochain iMachin, qui nous fait acheter une patente luisante en rêvant déjà à sa prochaine incarnation.

J'ai réparé mon spa tout seul finalement (en fait, ça fait 2 fois que je le démanche et le ramanche, pour un total de 200 $ en pièces - une aubaine, je vous l'assure). Je le comprends, il me comprends, on s'apprivoise et je l'entretiens. Il est heureux (il ronronne!) et m'itou! Et à force d'apprivoiser les machines qui m'entourent, j'aborde chaque nouveau projet avec fierté et conviction, au pire un brin d'audace parce que j'me dit que la dernière fois, j'ai été capable de toute façon.

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